Lady L.

Ce roman de Romain Gary nous plonge à l'époque Victorienne en Angleterre, du temps de la lutte des classes, où une vielle dame du monde nous conte son passé trouble d'aristocrate révolutionnaire amoureuse d'un anarchiste.

Le livre commence le jour anniversaire des 80 ans de cette vieille lady pleine d'humour qui a alors, en se regardant dans un miroir, cette pensée pleine de sagesse sur les outrages de l'âge :

"Quatre-vingts ans ! C'était incroyable.
- Et puis zut ! dit-elle. Dans vingt ans, il n'y paraîtra plus."

Cette femme, née en fait d'une mauvaise famille française, va devoir devenir une femme du monde dans le but d'infiltrer l'aristocratie de l'époque afin de les voler pour payer les mouvements anarchistes.
C'est en la faisant prendre des cours de maintien que l'auteur écrit :

"Elle possédait au plus haut point cette qualité naturelle de "mystère" grâce à laquelle certaines femmes savent si bien cacher ce qui leur manque, permettant ainsi aux hommes de deviner en elles toutes les vertus qu'ils leurs prêtent"

Et c'est cette jeune femme naissante et un peu naïve qui se retrouve alors écartelée entre la vie de luxe qui l'attire et son amant anarchiste qui ne vit que pour sa cause dans le dénuement le plus total. Romain Gary lui fait dire alors :

"- Chéri, cambriolons ce bon Dicky, mais gardons au moins une partie de l'argent pour nous. J'ai tellement envie de voyager ! Les Indes, la Turquie... Rien qu'une petite année, Armand. Après, on reviendra et on changera le monde. Mais je voudrais le voir avant, pendant qu'il est encore si beau..."

Mais Armand, l'amant est profondément convaincu par la justesse de son combat. Tellement qu'il sacrifie tout à ces idées. Et Lady L. de comprendre :

"Lady L. savait aujourd'hui qu'il y avait une contradiction entre ce qu'Armand lui enseignait et sa façon d'être, entre cette liberté absolue qu'il invoquait et son propre asservissement à une idée. Il y avait une contradiction même entre l'idée de la liberté absolue et un dévouement absolu à cette idée. Il y avait une contradiction entre la liberté de l'homme dont il se réclamait et sa soumission totale à un pensée, à une idéologie"

Et je terminerai par le commencement de ce roman, l'Ode à l'humanité, ou emploi du subjonctif", poème dédié par Alphonse Allais à Yane Avril, poème qui résume si bien le livre :

"Ah! fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu'ingénument je vous le disse,
Que fièrement vous vous tussiez.

Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez,
Et que je vous idolâtrasse,
Pour que vous m'assassinassiez !

Lu dans Lady L., de Romain Gary édition Folio / Poche
Merci à Loy C. pour l'idée de lecture, et à Manu V. pour le prêt.

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